ZOOM sur… la réglementation liée aux vents cycloniques des Antilles : les choses se précisent

Plus de 5 ans après la dévastatrice saison cyclonique 2017 dans le bassin Atlantique, l’Etat n’a pas encore réussi à imposer une nouvelle règlementation sur la prise en compte des charges de vent sur les structures. Mais les choses se précisent.

Le calcul des charges de vent est effectué selon les règles EUROCODE 1 partie 1.4 et notamment l’annexe nationale française. Cette règlementation définit une vitesse de vent de base de référence qui se traduit par une pression dynamique sur les structures et autres éléments d’ouvrages comme les menuiseries extérieures.

Cette vitesse de référence est augmentée ou diminuée par l’application de 2 coefficients :

  • Un coefficient de rugosité (ou catégorie de terrain) qui prend en compte le paysage, la végétation et l’environnement bâti autour de la parcelle devant accueillir le projet de construction ;
  • Un coefficient d’orographie qui prend en compte les effets d’accélération du vent à proximité de certains reliefs particuliers comme les sommets des falaises.

La révision de l’annexe nationale française entamée en 2019 et supportée par les professionnels antillais était justifiée par le fait que :

  • Les coefficients de rugosité (catégories de terrain) tels que décrits dans l’annexe nationale française ne correspondent pas aux types de paysages rencontrés dans les territoires antillais. De plus, ces coefficients sont prévus pour des territoires continentaux et pas pour des petits territoires insulaires pour lequel le vent cyclonique n’est que très marginalement affaibli par le passage du phénomène au-dessus des terres. Enfin la flexibilité dans le choix de ces coefficients pouvait conduire à l’adoption d’hypothèses de calcul de charges sous-sécuritaires, par rapport à la règlementation précédemment en vigueur NV 65
  • Les effets de type « venturi » d’accélération du vent dans les vallées encaissées, un relief typique des îles volcaniques des Antilles, n’étaient pas pris en compte ;
  • Il y avait lieu de catégoriser les bâtiments calculés en fonction de leur importance pour la protection des populations et leur utilité pour la gestion de crise.

La Direction de l’Habitat de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) porte un projet d’arrêté qui serait dans un premier temps uniquement appliqué aux territoires de Martinique, Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

 

Trois modifications principales forment le cœur de ce projet d’arrêté :

  • Les vitesses de référence sont relevées en fonction de la période de retour considérée, donc en fonction de la catégorie d’importance du bâtiment

  • La vitesse de vent de référence est modulée par des « coefficients de site » fixés de manière règlementaire. Ces coefficients sont définis pour chacun des territoires par une cartographie référencée sur le site internet Géorisques. »
  • Les bâtiments sont classés en fonction de leur destination et de leur usage en 4 catégories qui distinguent différents niveaux de protection. Ce classement est modulé par les périodes de retour considérées, soit 25 ans pour les bâtiments les moins sensibles de la catégorie 1, 50 ans pour les bâtiments des catégories 2 et 3 et 100 ans pour ceux de la catégorie 4 pour lesquels le niveau d’exigence paracyclonique est la plus élevée.

La publication de cet arrêté « vent cyclonique » devrait intervenir en 2023.

Il y a aujourd’hui un quasi-consensus scientifique pour affirmer que le dérèglement climatique va se traduire par une plus grande proportion de phénomènes cycloniques majeurs. Il est donc important que les futures constructions s’adaptent et soient réalisées avec des normes de construction plus exigeantes. La question des surcoûts normatifs reste centrale dans des territoires où 80% des populations sont éligibles au logement social. Cependant, l’enjeu de la mise en place est double. Il s’agit avant tout de réduire le coût global des bâtiments sur leur durée de vie en limitant le risque qu’ils ne soient endommagés ou détruits par le passage d’un cyclone. Mais il s’agit également de contenir les coûts globaux des catastrophes d’origine atmosphérique pour que les grands équilibres du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles ne soient pas mis à mal.

Les professionnels s’accordent pour dire que les bâtis territoriaux de Martinique et Guadeloupe ne sont pas aujourd’hui prêts à affronter de manière frontale des phénomènes aussi violents que les deux ouragans majeurs de la saison cycloniques 2017 qui ont dévasté certaines iles de l’arc des Petites Antilles. Pour améliorer sensiblement la capacité de résilience cyclonique des territoires antillais à court ou même moyen terme, des dispositions de confortement du bâti existant doivent également être mises en œuvre. Ces dispositions doivent couvrir des aspects techniques mais également des aspects financiers avec des incitations adaptées (aides financières, incitations fiscales).

Ce plan de réduction de la vulnérabilité au risque cyclonique pour le bâti existant pourrait ainsi s’inspirer des divers Plans Séisme Antilles, dont la troisième phase vise expressément le confortement parasismique du bâti privé. Mais dans tous les cas, la résolution des conflits entre réduction de vulnérabilité au risque sismique et réduction de vulnérabilité au risque cyclonique est un préalable. Le GT 10 BatiSolid et le GT multirisque de l’AFPS (voir la rubrique actualité du projet) s’attaquent à cette épineuse question.