TROIS QUESTIONS A PHILIPPE MICHAUX – Expert Bâtiment

Q1 : Bonjour Monsieur Michaux, vous êtes l’un des experts-contributeurs les plus actifs dans ce projet BatiSolid Antilles, pouvez-vous en quelques mots vous présenter et nous dire ce qui vous motive à participer à ce projet ?

Je suis Ingénieur diplômé de l’École Centrale de Paris, et je suis également un expert agréé par le Centre National de l’Expertise.

J’ai actuellement plusieurs casquettes, dont celles d’Administrateur de la FRBTP Guadeloupe, d’Administrateur du Centre de Santé au Travail de la Guadeloupe, de Conseiller Economique et Social Régional (CESER), de Président de la Commission Aménagement du Territoire, Développement durable, Transports, d’Administrateur du Conseil de l’Architecture de l’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE), d’Administrateur des Caisses de Retraite et de Prévoyance du BTP Antilles Guyane, de membre du Comité de sélection projets INTERREG/FEDER, de membre de la Commission projets éoliens, photovoltaïques et de référent déchets du BTP auprès de la Région Guadeloupe.

Je suis donc à plus d’un titre au cœur de toutes les actions qui peuvent à un moment ou à un autre intéresser le secteur de la Construction guadeloupéen.

Mon parcours professionnel traduit mon attachement aux questions liées à :

  • La traduction pragmatique et accessible à tous, des normes obligatoires et autres contraintes à respecter pour assurer au mieux la pérennité des ouvrages, la maîtrise de leur obsolescence, la garantie de sécurité des occupants, usagers, bénéficiaires, eu égard aux risques spécifiques à nos territoires ;
  • La nécessité impérative de mise en œuvre d’une pédagogie ad hoc face à nombre de comportements vernaculaires, au besoin de création de l’écoute active, à l’adhésion des entrepreneurs aux dynamiques de progrès et à la confiance à construire dans nos avis de professionnels antillais.

 

Q2 : Quels sont les principaux obstacles que vous identifiez dans le développement du projet BatiSolid Antilles ?

Même si nous avons depuis longtemps souhaité être en mesure de développer un tel projet, nous restons conscients que les obstacles sur notre chemin demeurent nombreux. Aujourd’hui, j’identifie encore les obstacles suivants :

  • Nous fonctionnons encore avec trop de copiés-collés venant de l’Hexagone. Ces pratiques méritent une analyse plus profonde et il faut véritablement réfléchir aux adaptations des pièces marché à des données locales, trop souvent jugées mineures mais qui sont pourtant très impactantes ;
  • La collecte des données statistiques reste difficile aux Antilles et nous disposons toujours de données incomplètes pour mener à bien nos analyses ;
  • L’omission et la non-prise en compte de retours d’expériences nombreux et instructifs, certains négatifs, d’autres positifs, mais toujours exploitables. Ce constat va de pair avec notre propension à ne pas évaluer les politiques publiques déployées sur nos territoires ;
  • La non-différenciation des normes d’application obligatoire (environ 400 sur 4 000) et celles d’application volontaire qui composent 90% du corpus normatif ;
  • La non-différenciation des normes protectionnistes d’inspiration « business » principalement nées de la concurrence US/EUROPE, avec celles justifiées et incontournables ;
  • Le cheminement à sens unique, top-down, des « sachants » vers exécutants, alors que c’est souvent la vérité du terrain et l’exigence du résultat plus que celle de certains moyens et la théorie qui importent ; C’est donc aux sachants de se mettre à la portée des exécutants ;
  • La secondarisation de la différenciation territoriale qui rend inacceptable nombre de normes vantées sur beaucoup de produits normés UE ;
  • Enfin, les caractéristiques majeures du tissu entrepreneurial du BTP local : des TPE avec quelques salariés, qui n’ont pas de fonds propres, qui n’ont pas de relais financiers, une communication difficile, la tentation permanente du travail informel  et une forme de méfiance de tout ce qui est estampillé « ingénierie » ; L’écosystème local est donc peu propice au développement serein d’un projet tel que BatiSolid Antilles pourtant absolument nécessaire à notre avenir commun

 

Q3 : Quels bénéfices voyez-vous pour les plus petites entreprises de travaux dans la production de référentiels techniques endogènes ?

Comme je le disais, en plus d’être incontournable, un tel projet recèle de nombreux bénéfices. Parmi ces bénéfices, retenons en particulier :

  • Une réduction de la sinistralité, donc un bénéfice direct pour tous les maîtres d’ouvrage et pour le secteur de la Construction plus largement, avec pourquoi pas une meilleure maîtrise des primes d’assurance dans nos territoires ;
  • L’élimination de la crainte d’une ingénierie trop complexe ou difficile à mettre en œuvre, ce qui peut in fine contribuer à rassurer les plus petits acteurs ;
  • La création d’une relation de confiance entre la maîtrise d’ouvrage, les maîtres d’œuvre et les entreprises de travaux, quelle que soit leur taille ;
  • Puisque vous me posiez plus directement la question des bénéfices pour les plus petites des entreprises, ce projet est une vraie ouverture vers une meilleure gestion de la sous-traitance au travers de l’adhésion aux préconisations que tous auront contribué à faire émerger, avec donc une compréhension « basique », une acceptation d’un cadre de travail rénové et actualisé (numérique, comptabilité, gestion du personnel, mutualisation etc..). Les possibilités sont très larges, à nous de continuer à avancer pour que ces bénéfices se matérialisent pour tous.