Q1 : Bonjour Monsieur FULPIN, vous présidez l’association KEBATI. Pouvez-vous nous présenter l’association et nous préciser son objet ? Parlez-nous également du réseau bâtiment durable auquel KEBATI participe.
Bonjour, l’association KEBATI a été créée en 2018 pour pallier le manque de ressources concernant le bâtiment et l’aménagement durable sur notre territoire. Elle est née d’une belle volonté : partager et mettre en avant gracieusement les bonnes pratiques. Nous tenons à garder cette implication bénévole et citoyenne au sein de l’association qui aujourd’hui salarie 3 personnes.
L’actualité nous montre malheureusement que les ressources en énergie et en eau se raréfient. Nous devons adapter notre mode de vie aux ressources disponibles, et non l’inverse ! Cela impose des changements d’habitudes. Le fait de prendre conscience collectivement des contraintes et de les accepter nous permet d’aller au-delà et de trouver des solutions pragmatiques souvent moins coûteuses et plus fédératrices qu’un simple copier-coller d’ouvrages dessinés sous des latitudes ayant d’autres contraintes.
La technologie ne résoudra pas tout. Chacun peut agir avec des gestes simples qui ne rapportent rien à personne, nous voulons les rappeler à travers diverses actions comme le concours ‘Osons le Bermuda !’ qui s’est tenu en juillet dernier. Nous avons créé des ressources sur la ventilation naturelle et les protections solaires. Nous faisons des études sur les matériaux et participons à des évènements visant à partager et fédérer, notre seul but étant l’écologie à travers le bâtiment au service des Martiniquais.
Les bénévoles s’investissent collectivement dans KEBATI car chacun y trouve du sens.
« Ensemble on est plus fort », c’est un peu l’esprit de ce réseau Bâtiment Durable impulsé par l’ADEME et coanimé par le Plan Bâtiment Durable. Il réunit l’ensemble des centres de ressources implantés dans chaque région. En outre-mer, on retrouve Envirobat-Réunion, Aquaa (Guyane) et Synergîle (Guadeloupe).
KEBATI est devenu le centre de ressources de Martinique en 2019. Le réseau bâtiment durable travaille au quotidien en faveur de la qualité et de la performance environnementale, énergétique et sanitaire du cadre (de vie) bâti. Ce réseau national édite une revue très intéressante sur les innovations tant normatives que matériels, matériaux et chantiers exemplaires ; une revue qui mériterait d’être enrichie d’articles liés au climat tropical, on y pense depuis quelques années…
Q2 : Plusieurs membres de l’association KEBATI participent régulièrement aux travaux du projet BatiSolid d’adaptation des normes de construction. Un peu plus d’un an après le début des travaux, quel regard portez-vous sur la démarche, ses points forts, ses leviers d’amélioration ?
BatiSolid est un superbe projet d’adaptation des normes et, j’oserai, d’appropriation des normes.
Pour les points forts, je citerai l’intelligence collective mise en place en réunissant les acteurs locaux autour de ces groupes de travail. L’échange et le partage vont forcément faire progresser notre territoire et je sais le regard attentif des porteurs de ce projet que vous êtes sur les limites que nous pouvons trouver ; nous devons être capable de demander un avis complémentaire hors du territoire si besoin.
Pour ce qui est des leviers d’amélioration, je n’ai pas la prétention de vous en apporter par ce biais ; j’émettrais plus un souhait en lien avec le mot appropriation des normes que j’évoquais précédemment : Voir une réelle implication de nos élus et décideurs.
J’espère qu’ils sauront tirer le meilleur des synthèses de ces groupes de travail en prenant des décisions qui iront dans le sens de la préservation de l’île que nous souhaitons laisser à nos enfants.
Qu’ils sauront présenter certaines décisions riches de bon sens. Les PLU commencent tout doucement à prendre en compte notre nature lors de la conception du bâti, pour ne prendre qu’un exemple, la couleur. Il faut maintenant accélérer, nous n’avons plus le temps d’attendre, il faut de l’ombre !
Nous devons rappeler pourquoi les couleurs sombres sur le bâti sont à proscrire, pourquoi l’artificialisation de nos sols est une catastrophe pour le biotope, en plus de faire des torrents lors des fortes pluies.
BatiSolid servira je suis sûr à cela et KEBATI fait et fera son possible pour y participer.
Q3 : Votre association est associée au pilotage du Groupe de Travail BatiSolid n°9 qui vise à produire des recommandations techniques pour une future révision de la Réglementation Thermique de Martinique (RTM). Comment allez-vous procéder et qu’attendez-vous de ce travail spécifique ?
KEBATI a répondu présent à la proposition de la CERC de coanimer ce groupe de travail parce que la situation est ubuesque, ne mâchons pas nos mots.
Nous avons aujourd’hui une réglementation qui ne dépend que de nous : la RTM – Réglementation Thermique de Martinique. C’est une règlementation qui pourrait faire briller notre territoire si elle se voulait exigeante, expliquée, accompagnée puis respectée. Certains territoires dans le monde ont fait de l’écologie un atout touristique, pourquoi pas nous en incluant le bâti ?
A travers ce groupe de travail, nous souhaitons partir d’un état des lieux de l’existant, impulser une dynamique de concertation des acteurs à travers des thématiques qui nous aiderons à définir ce qu’est un bâtiment efficient sur le plan énergétique. Enfin, nous souhaitons pouvoir réaliser des propositions qui seront également enrichies de retours d’expériences d’une analyse comparative entre les différentes réglementations thermiques qui existent sous nos latitudes.
Cette analyse devra être sans a priori afin de permettre à nos décideurs de faire un choix appuyé le moment venu.
Nous voulons encore une fois fédérer autour de cette réglementation thermique pour pouvoir dans un premier temps être utile à notre territoire et dans un second se préparer ensemble à la prochaine réglementation quelle qu’elle soit.
Cette réflexion va démarrer et nous espérons des échanges riches avec tous les acteurs qui souhaiteront participer à ce travail.