ZOOM SUR… LES ENJEUX BATIMENTAIRES DE LA CONTINUITE DE SERVICE

Les bâtiments sont conçus et construits pour remplir des fonctions spécifiques également catégorisées sous le vocable « usage ». Ces fonctions doivent pouvoir être remplies dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient avant un évènement accidentel ayant impacté la construction. A minima, ces fonctions doivent être remplies dans des conditions acceptables, c’est-à-dire en mode dégradé, en dépit de l’impact de certains aléas à une intensité donnée jugée « anormale ».

 

Dans les Antilles, la continuité de service ou continuité de fonctionnement est traditionnellement appréciée au regard de l’action des séismes ou au regard de l’action des phénomènes cycloniques.

 

Sous l’action du séisme, la continuité de fonctionnement ne signifie pas l’absence de dommages (fissuration par exemple), ni l’obligation d’un comportement élastique.

Sous l’action du vent cyclonique, de l’action mécanique des vagues ou des inondations, il en est de même.  Des dégâts mineurs, plus particulièrement ceux causés à certains éléments non-structuraux sont acceptables, car ils n’empêchent pas l’ouvrage de remplir sa fonction.

 

L’objectif de continuité de service se traduit par le fait que le bâtiment abritant des fonctions jugées stratégiques puisse continuer d’être utilisable pour gérer une crise sismique ou une crise cyclonique qu’il aurait lui-même subi.

La notion d’habitabilité ou de fonctionnalité est donc à considérer du seul point de vue de l’usage pré-crise ou post-crise pour lequel le bâtiment a été conçu. Et encore, certaines fonctions non critiques peuvent ne plus être temporairement accessibles, sans que cela ne remette en cause la notion de continuité de service.

 

 

Classification des bâtiments

Comme précisé dans notre newsletter du mois dernier, les bâtiments de la classe dite à risque normal sont répartis en quatre catégories d’importance définies par l’article R. 563-3 du code de l’environnement repris dans l’arrêté du 22 octobre 2010. Pour les bâtiments constitués de diverses parties relevant de catégories d’importance différentes, c’est le classement le plus contraignant qui s’applique à leur ensemble. La réglementation parasismique prend en compte ce classement et il est également prévu que la règlementation paracyclonique pour l’aléa vent soit également basée sur cet arrêté.

 

Les bâtiments classés en catégorie d’importance IV la plus exigeante pour lesquels on visera implicitement la continuité de service comprennent :

  • Les bâtiments dont la protection est primordiale pour les besoins de la sécurité civile et de la défense nationale ainsi que pour le maintien de l’ordre public et comprenant notamment :
  • les bâtiments abritant les moyens de secours en personnels et matériels et présentant un caractère opérationnel ;
  • les bâtiments définis par le ministre chargé de la défense, abritant le personnel et le matériel de la défense et présentant un caractère opérationnel ;
  • les bâtiments situés dans l’enceinte des centres pénitentiaires ;
  • Les bâtiments contribuant au maintien des communications, et comprenant notamment ceux :

― des centres principaux vitaux des réseaux de télécommunications ouverts au public ;

― des centres de diffusion et de réception de l’information ;

― des tours hertziennes stratégiques ;

 

  • Les bâtiments et toutes leurs dépendances fonctionnelles assurant le contrôle de la circulation aérienne des aérodromes classés dans les catégories A, B et C2 suivant les instructions techniques pour les aérodromes civils (ITAC) édictées par la direction générale de l’aviation civile, dénommées respectivement 4C, 4D et 4E suivant l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ;

 

  • Les bâtiments des établissements de santé qui dispensent des soins de courte durée ou concernant des affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie et obstétrique ;
  • Les bâtiments de production ou de stockage d’eau potable ;
  • Les bâtiments des centres de distribution publique de l’énergie ;
  • Les bâtiments des centres météorologiques.

Par circulaire interministérielle du 26 avril 2002, il était demandé aux préfets des départements de recenser les fonctions essentielles à maintenir pour permettre la gestion des secours après un séisme et d’établir la liste des bâtiments, équipements, installations et ponts aptes à les assurer, soient les ouvrages de catégorie d’importance IV au sens du décret n°2010-1254 du 22 octobre 2010.

Afin d’aider au recensement dans chaque département des ouvrages de catégorie d’importance IV, un guide de recommandations a été élaboré dans le cadre des travaux du GEPP (Groupe d’Etudes et de Propositions pour la Prévention du risque sismique), dans le cadre d’un groupe de travail piloté par la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises.

Le guide disponible à partir du lien suivant : https://www.mementodumaire.net/wp-content/uploads/2012/07/MIOMCTI-Recommandations-classement-cat-IV-2011.pdf peut donc être consulté en cas de détermination de la catégorie d’importance IV d’un bâtiment soumis aujourd’hui à la réglementation parasismique (décrets n°210-1254 et 2010-1255 et arrêté du 22 octobre 2010 modifié) et demain à la réglementation paracyclonique.

 

Une attention particulière est à porter pour ces bâtiments à la satisfaction des besoins en électricité, en eau potable et en dispositifs d’assainissement nécessaires à l’occupation humaine dans un cadre professionnel en lien avec la gestion de crise.

 

Dans ce contexte et pour les bâtiments relevant de la catégorie d’importance IV, les nombreux abris de fortune attenants aux immeubles accueillant des groupes électrogènes de secours, les citernes extérieures non protégées, les panneaux photovoltaïques destinés à l’autoproduction et les antennes insuffisamment protégés des vents extrêmes constituent des points de vulnérabilité auxquels il faudrait accorder beaucoup plus d’attention …si ces équipements sont vraiment destinés à participer à la continuité de service post cyclonique.

 

 

Dans un même ordre d’idée, on constate fréquemment que les accès à ces bâtiments stratégiques et que certains réseaux extérieurs clé ne sont pas toujours sécurisés. La continuité de service devrait donc être analysée avec la même attention pour les ouvrages extérieurs à l’enveloppe du bâtiment que ceux qui composent cette enveloppe. La résilience des réseaux face au risque sismique et face au risque cyclonique est maintenant au cœur des stratégies de préparation du cadre bâti aux risques de catastrophes naturelles.

 

La perte prématurée du bâtiment abritant la sous-préfecture de Saint-Martin et les dégâts considérables causés à l’usine de dessalement d’eau de mer de Galisbay lors de l’évènement Irma du 6 septembre 2017 montrent que le chemin pour garantir la continuité de service des bâtiments essentiels reste à construire.