Zoom sur… Habiter sur la frange littorale aux Antilles – Enjeux et perspectives à l’aune du changement climatique

31 des 32 communes de Guadeloupe et 27 des 34 communes de Martinique ont une façade maritime.

 

Pour la Martinique, la frange littorale représente 210 km2 soit 18% de la superficie de l’ile et 563 km de linéaire de côte au total.

Un séminaire organisé par l’ADDUAM (Agence de Développement Durable, d’Urbanisme et d’Aménagement de Martinique) en janvier 2020 avait bien posé les principaux enjeux bâtimentaires pour cette frange littorale.

L’urbanisation de cet espace est relativement dense ; avec 106 553 habitants, elle regroupe 32 % de la population locale. Une part tout aussi significative du bâti territorial est implantée sur cette zone contiguë à la mer, soit près de 109 000 constructions.

On recense également sur le long du littoral martiniquais, 47 zones d’activités, c’est environ 71 % de toutes les zones d’activité du territoire. Il y a aussi sur cette zone des équipements publics essentiels, comme des casernes de pompiers. Pour compléter le panorama du bâti littoral, il faut noter la présence sur cette frange d’établissements d’enseignement, de structures de santé et d’équipements sportifs.

 

Tous ces enjeux sont des victimes potentielles du dérèglement climatique. Pour les zones littorales, de multiples aléas en lien direct ou indirect avec le dérèglement climatique sont en effet susceptibles d’impacter le bâti :

  • La montée du niveau des océans et son corolaire le phénomène de recul du trait de côte ;
  • Les submersions marines liées aux phénomènes cycloniques plus intenses que l’on peut aussi relier à la destruction des barrières de récifs coraliens causée par l’élévation de la température des océans ;
  • Les inondations de ces zones basses favorisées par la marée de tempête et les pluies intenses générant des écoulements torrentiels dans les nombreuses ravines et autres rivières ;
  • Les échouements d’algues sargasses dont la décomposition génère des gaz délétères pour certains matériaux de construction ;
  • La salinisation du sous-sol avec les intrusions marines pouvant entrainer des problématiques de durabilité des bétons des fondations et des autres ouvrages enterrés ;

 

Les franges littorales des îles de Martinique et Guadeloupe continuent à s’urbaniser et les plans locaux d’urbanisme (PLU) des communes ne prévoient pas de restreindre cette urbanisation. Au contraire, certains projets de revitalisation urbaine vont intéresser des zones littorales qui sont donc amenées à se densifier. Cet espace littoral, écologiquement fragile, accueille également un habitat informel, souvent de qualité médiocre.

 

Il faut donc, en toute responsabilité, proposer aux parties prenantes des territoires insulaires antillais des solutions globales combinant :

 

  • Une montée en capacité de résilience du bâti existant qu’il faut conforter avec des dispositions adaptées, tant du point de vue technique, que du point de vue financier. Lorsque que la loi propose des dispositifs de défiscalisation à des propriétaires qui ne sont pas imposables, on a peu de chance de voir des changements significatifs se produire. Une idée qui commence à faire son chemin serait de lier de manière plus systématique les travaux visant à améliorer l’efficacité énergétique et le confort thermique des logements à des travaux de confortement structurel. Les assises de la construction durables lancées par l’Agence Qualité Construction seront l’occasion de mettre sur la table des propositions dans ce domaine ;

 

  • Des ajustements d’ordre règlementaire sur l’occupation du sol en envisageant au besoin des relocalisations de familles qui prendraient pleinement en compte tous les aspects sociaux et culturels qui constituent le mode de vie des populations concernées. C’est un chemin complexe et qui prendra nécessairement du temps, sauf à profiter des conséquences de catastrophes comme ce fut le cas dans la commune de Bouillante en Guadeloupe après l’épisode de houle dévastateur lié à l’ouragan Lenny de novembre 1999 ;

 

  • Pour les constructions neuves, une adaptation des normes de construction aux aléas qui seront plus intenses et c’est une ambition en cours de matérialisation grâce aux avancées du projet BatiSolid Antilles.

 

L’autre question centrale qui se pose dès à présent est l’assurabilité de ces enjeux littoraux. Les retours d’expériences de catastrophes naturelles et l’amélioration continue de la connaissance scientifique rendent plusieurs de ces risques de plus en plus certains, or l’assurabilité des risques de catastrophe naturelle est basée sur le caractère aléatoire de la manifestation d’un aléa à une intensité « anormale ». L’article L. 125-1 du code des assurances ne donne pas de définition de la catastrophe naturelle, mais la définit par son origine : elle doit avoir pour cause l’intensité anormale d’un agent naturel. Avec la succession probable d’évènements que l’on qualifie encore aujourd’hui d’exceptionnels, les discussions sur la notion de normalité ne font que débuter.

 

Par son caractère complexe, la zone littorale urbanisée des territoires des Antilles constitue donc un formidable espace d’expérimentation. Dans un tel contexte, il faut surtout libérer les initiatives, d’autres territoires littoraux non insulaires pourraient bien trouver dans les solutions développées aux Antilles, des solutions à leurs propres problématiques.